Abdoul Aziz Diop de « Publier Ce Que Vous Payez » sur la Renégociation des Contrats Gaziers, Pétroliers, Miniers…

Abdoul Aziz Diop, Ancien Membre du Comité Directeur et de la Coalition Osc « Publiez Ce Que Vous Payez et du Comité National Itie

_ « Une fois au pouvoir nous allons renégocier tous les contrats » discours dans l’opposition.
Avec la réalité du pouvoir, discours plus nuancé , plus subtil et plus réaliste .
 » Nous allons réexaminer certaines conventions dans le secteur minier, pétrolier et halieutique. »

Quel que soit le principe de souveraineté des états liés à l’exploitation des ressources naturelles, seul le contrat qui est la loi des parties détermine l’exploration et l’exploitation des dites ressources et guide les parties garantes, signataires en l’occurrence l’état au nom du peuple souverain et l’entreprise ou la multinationale au nom de ses intérêts et profits.
Nous avons aussi les traités bilatéraux d’investissement et les clauses de stabilisation qui protègent les entreprises et qui sont des facteurs de blocage pour une renégociation des contrats en cours.
Aucune partie ne peut de manière unilatérale rompre les clauses contractuelles, au risque d’aller vers les tribunaux d’arbitrage international et vers des contentieux lourds de conséquences pour nos états faibles..
Nous devons tirer les leçons du passé avec quelques experiences de rupture de contrats : le fer de la Faleme avec Arcelor Mittal et Kumba Ressources , Hydro Québec dans le domaine de l’hydraulique…

Cependant, à travers le dialogue, la concertation et la confiance , entre les parties prenantes, certaines clauses contractuelles peuvent être revues et c’est le cas des clauses de confidentialité de l’ancien code minier de 2003, en son article 66.
À la suite de concertations entre l’état et la chambre des mines, faîtière des entreprises minières, et de commun accord, cette clause a été revue et elle a mené à la divulgation et à la publication des contrats en 2016.
Mieux même, cette disposition relative à la publication des contrats a été internalisée dans le nouveau code minier de 2016, au moment où l’itie encourageait la publication des contrats, avant qu’elle ne devienne une exigence en 2019.

Deux partenaires ou parties garantes qui ont des intérêts divergents: l’état dans une posture de souveraineté quant à la gouvernance des ressources et la défense des intérêts nationaux sur le plan géostratégique, géopolitique, socio-économique, environnemental…et l’entreprise qui est dans une logique de profit , de défense de ses intérêts et non de développement et de philanthropie.

À l’analyse des différents rapports itie qui nous donnent des informations, fiables, exhaustives et simplifiées sur toute la chaîne de valeur du secteur extractif, notre pays vit toujours le paradoxe de l’abondance avec des entreprises étrangères qui font des milliards de chiffres d’affaires et à côté des collectivités et communautés pauvres.
À titre d’exemple, sur les 275 milliards générés par le secteur extractif en 2022, 242 milliards sont retracables dans le budget de l’état ( 6,85%), 5 milliards de dépenses sociales, 0,17% de la population active employée par le secteur soit 8977 emplois permanents dans les 26 entreprises du périmètre itie ( source rapport itie 2022.
Le contenu local a généré 2034 milliards dont 728 milliards seulement pour les fournisseurs locaux ou nationaux.
Quant aux fonds destinés aux collectivités territoriales, l’arrêté disponible et effectif pour 2019, c’est 5.215.000.000 à l’ensemble des collectivités territoriales ( 600 et+)..

Nous sommes loin d’être un pays minier, gazier et pétrolier malgré les nombreuses attentes légitimes du peuple souverain, souvent traduites en connaissances, loin de la réalité, faute d’avoir les bonnes informations avec une asymétrie des connaissances et compétences.
Il faut un management des attentes des citoyens et un langage de vérité quant aux retombées de l’exploitation future des hydrocarbures surtout avec les risques et autres facteurs exogènes que nous ne maîtrisons pas totalement comme la volatilité des prix, les mutations mondiales dans l’industrie pétrolière et gazière, la transition énergétique,..
Teranga yaakar en est un exemple quant au retard de la Dfi.

Comment concilier ces intérêts divergents des différentes parties prenantes qui sont obligées de collaborer et de cohabiter dans le respect des obligations contractuelles?
Autant l’état délivre un permis légal d’exploration ou d’exploitation à travers le contrat ou la convention signée, autant les entreprises ont besoin du permis ou quitus social, gage de stabilité et de confiance, délivré par les communautés surtout riveraines impactées, pour une exploitation responsable et rentable
.
Les ressources naturelles qui sont dans le sous-sol sont la propriété du peuple, tant qu’elles ne sont pas encore exploitées..
Une fois les conventions signées avec les entreprises pour une durée déterminée sans compter les renouvellements, qu’est-ce qui va réellement appartenir au peuple ?
L’état, le secteur privé national et les collectivités territoriales dont le secteur minier ne fait pas partie des compétences transférées n’ont pas les ressources financières logistiques et humaines humaines nécessaires pour l’exploration et l’exploitation des dites ressources, et l’état est obligé de recourir aux entreprises étrangères.

D’où l’intérêt d’une bonne mise en œuvre des différentes réformes, dont la loi sur le contenu local pour mieux capter les nombreuses opportunités liées à l’exploitation des ressources au profit des nationaux en termes de fournitures de biens services, de formation qualifiante, d’emplois qualifiants, de transfert de technologie, de création de richesses et d’emplois  »
Il faut saluer , consolider et poursuivre la dynamique des réformes et du dialogue permanent entre les différentes parties prenantes dans le cadre d’une co-construction, pour une exploitation responsable, transparente et profitable à tous, aussi bien les générations actuelles que futures.
Heureusement, que notre pays a anticipé sur beaucoup de réformes majeures notamment avec l’adhésion volontaire à l’itie et la revue de tous les codes, mieux adaptés au contexte .

De pays demandeur, notre pays est devenu pays convoité, d’où l’intérêt de passer d’une conformité sur le plan institutionnel, légal et réglementaire à une conformité en termes d’efficacité et d’impacts, mais aussi se doter d’une ingénierie contractuelle à la lumière des meilleurs standards internationaux en vue de réexaminer ,de revisiter et de renégocier avant tout renouvellement certains contrats jugés déséquilibrés et défavorables aux intérêts nationaux.
Des études, ont été menées dans ce sens par différentes structures spécialisées dans l’ingénierie contractuelle et ces études sont disponibles et pourraient être capitalisées ».