Par Louis Camara, Écrivain
» Autrefois l’on pouvait en toute sécurité Se promener dans les rues tranquilles de l’île Où souffle toujours cette agréable brise marine Qui se mêle aux délicates senteurs fluviales Dans le dédale des ruelles entrelacées L’on avait du plaisir à déambuler et flâner Á la place Faidherbe l’on pouvait venir s’asseoir Sur les bancs de pierre rustiques mais confortables Sous l’ombre fraîche des grands arbres tutélaires L’on y trouvait souvent des vieux du troisième âge Venus pour prendre l’air ou refaire le monde Hélas ! Cette époque est aujourd’hui révolue Les belles allées fleuries et les carrés de gazon L’élégant jet d’eau et son joli bassin carrelé Les bancs accueillants et les arbres aux essences rares Tout cela a soudain disparu pour faire place A un no man’s land désert et sans aucun attrait L’on pourrait même croire qu’un mauvais magicien Aurait d’un coup fatal de sa baguette maligne Détruit cette place publique jadis si jolie Pour la transformer en un cimetière de béton (A moins que ce ne soit un bazar à ciel ouvert) Que l’on traverse triste et le cœur meurtri Et certes à la vue de ce désolant spectacle L’on ne peut à vrai dire que ressentir de l’amertume Le dur et froid béton a tué la poésie de ces lieux Tout à coup privés de ce qui faisait leur charme La voie de dégagement qui jadis longeait le Rognat Et permettait aux voitures de rouler sans encombre Vers le pont Malick Gaye et la langue de Barbarie Est elle aussi désormais fermée à la circulation Provoquant embouteillages et carambolages Au cœur de l’île à présent menacée d’asphyxie Car sa principale artère est maintenant bouchée Les piétons désemparés se sentent en danger Et sont à tout moment menacés d’être heurtés Par un camion fou ou une automobile sans freins Roulant à toute allure dans un sens interdit L’île est devenue un grand circuit automobile Où de vrombissants bolides déboulent de tous côtés Ajoutant au désordre et à l’anarchie ambiants Devant l’ampleur des dégâts tout le monde se demande Ce qu’il y a lieu de faire et comment rectifier le tir Car tel est aujourd’hui le défi qui se pose Á l’île de Ndar mais aussi à la langue de Barbarie Pareillement menacée par l’érosion côtière Qu’est venue renforcer une brèche meurtrière Elle-même creusée en dépit de tout bon sens C’est comme si l’on voulait gommer le prestigieux passé De cette ville qui est pourtant le berceau du Sénégal Il faut le dire, Ndar terre de culture et de symbiose Cité magique et pétrie de spiritualité Ville trois fois centenaire et chargée d’Histoire, Saint-Louis ne mérite pas d’être abîmée ou flétrie ! Nous devons tous la chérir et l’entourer de soins Nous devons l’aimer l’entretenir et la protéger Car elle est un héritage que nous avons en partage Un patrimoine qu’il faut œuvrer à rendre immortel.Louis CAMARA Écrivain, poète, conteur Citoyen de Ndar *Le titre de ce poème, qui m’a été inspiré par l’état préoccupant de l’île de Ndar, vient d’un air très populaire composé en 1914 par le bluesman Afro-Américain William Christopher Handy. Et encore ceci : Le traditionnel défilé du 4 avril qui s’est toujours déroulé sur l’île ne s’y est pas tenu cette année. Et pour cause : l’obstruction de l’ex-place Faidherbe a tout chamboulé et ne permettait pas qu’ait lieu la traditionnelle prise d’armes, suivie dans la ferveur par toute la population Saint-Louisienne qui avait coutume de s’y donner rendez-vous à cette occasion. C’est bien dommage. Certaines innovations ne créent que des frustrations « .