_ « La prise en charge des troubles de la conduction cardiaque représente un problème de plus en plus complexe, nécessitant des connaissances en électrophysiologie fondamentale, en électrophysiologie diagnostique, en pharmacologie et des compétences pour l’implantation de prothèses — stimulateurs, défibrillateurs, holters implantables. La nécessité d’une formation locale.
Avec le vieillissement de la population africaine, la stimulation cardiaque voit ses indications curatives et prophylactiques augmenter régulièrement. À titre d’exemple, plus de 150 stimulateurs cardiaques sont implantés annuellement à Dakar et plus de 1000 patients doivent bénéficier d’une surveillance régulière de leur prothèse. C’est pourquoi les médecins appelés à prendre en charge les troubles de la conduction cardiaque, à implanter et à surveiller des stimulateurs cardiaques doivent acquérir une formation spécifique locale, tant sur le plan théorique que pratique. Ce type de formation globale n’existait pas en Afrique subsaharienne. Les praticiens formés en stimulation cardiaque ont acquis leurs compétences en France ou au Maghreb le plus souvent ; ils sont obligés d’y séjourner deux ans, avec un an d’enseignement d’électrophysiologie interventionnelle qu’ils ne peuvent appliquer le plus souvent dans leur pays du fait d’un déficit de plateau technique. L’implantation de pacemakers en Afrique est le plus souvent un geste salvateur obligatoire devant des indications de sauvetage telle que des BAV complets syncopaux avec aucune possibilité de survie en absence d’implantation de pacemaker. Le nombre de praticiens implanteurs reste très faible en Afrique subsaharienne. En effet, à titre d’exemple, nous pouvons comptabiliser : au Sénégal 11 implanteurs pour plus de 15 millions d’habitants, en Côte d’Ivoire 2 implanteurs pour plus de 25 millions d’habitants, au Burkina Faso 5 implanteurs pour plus 20 millions d’habitants et au Cameroun 5 implanteurs pour plus de 26 millions d’habitants. En dehors de ces pays, il n’existe pas d’équipes locales capables de réaliser une implantation ou une surveillance de pacemaker dans les autres pays Francophones en Afrique subsaharienne. De manière inconstante, des missions sont souvent organisées dans ces pays avec pour objectif de former les équipes en implantation de pacemaker]. Si l’on ne conteste pas le bien fondé de telles missions à un moment donné, on peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de leur poursuite de nos jours, au regard des standards d’exigences des compétences requises, aussi bien théoriques que pratiques, pour l’implémentation et le développement d’une activité pérenne de stimulation cardiaque digne de ce nom. La création du diplôme universitaire Face à ce déficit de spécialistes et devant des besoins sans cesse croissants, la mise en place d’une formation locale par le biais d’un diplôme universitaire (DU) autonome de stimulation cardiaque était une nécessité, visant à améliorer le niveau de prise en charge des populations souffrant de troubles de conduction en Afrique subsaharienne. C’est ainsi que depuis octobre 2017 a démarré le tout premier diplôme universitaire africain en implantation et suivi de stimulateurs cardiaques. Il s’agit d’un diplôme africain, impliquant tous les rythmologues d’Afrique francophone, soutenus par des rythmologues français et pour le moment sous l’égide de l’université Gaston Berger de Saint-Louis au Sénégal. L’objectif par la suite est de le transformer en un diplôme interuniversitaire (DIU) regroupant plusieurs universités africaines pour lui donner encore plus de valeur.
Il est axé sur l’enseignement à la pratique des techniques en implantation et contrôle de stimulateur cardiaque (pacemakers). Trois semestres et trois modules L’enseignement se déroule sur une période de 3 semestres universitaires. Il comporte 3 modules : un module théorique de 50 h avec des sessions de formation sous forme d’enseignement en présentielle sur l’anatomie, les bases physiopathologiques des troubles de conduction cardiaques, les méthodes diagnostiques, les indications d’implantation, la gestion des complications et le suivi des pacemakers. Le programme d’enseignement est établi et validé au préalable par le comité scientifique du DU composé de rythmologues d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et de France. Ce module est validé par un examen théorique et pratique ; un module de surveillance sous forme de participation active à des consultations spécialisées de suivi et de programmation optimale des pacemakers. Des réunions de discussion d’indications de stimulation et de choix du stimulateur. Chaque candidat doit avoir activement participé au suivi et à la programmation d’au moins 100 stimulateurs cardiaques. Ce module est validé par le jury en collaboration avec le maître de stage sur présentation du carnet de stage ; un module d’implantation permettant au candidat de participer à un minimum de 50 implantations (stimulateurs et/ou défibrillateurs), dont la moitié à titre d’opérateur principal. Ce module est validé par le jury en collaboration avec le maître de stage sur présentation du carnet de stage.
Pour obtenir le DU, le candidat doit avoir validé chacun des 3 modules : théorique, surveillance et implantation.
Après l’obtention du diplôme, le candidat est accompagné par un membre du comité scientifique pour le démarrage de l’activité d’implantation dans son centre d’origine. L’ objectif principal de ce diplôme à savoir autonomiser le plus rapidement possible les centres d’implantation pour éviter les décès par trouble de la conduction sévère et de combler le déficit d’accès à cette technique en Afrique subsaharienne, grâce à une formation locale et de qualité, est en passe d’être gagné. Il faut en effet garder en mémoire d’après des statistiques récentes colligées par Bonny et al. pour le compte de la société panafricaine de cardiologie (PASCAR) [4] que trente pour cent (30 %) des pays africains d’Afrique subsaharienne n’ont pas accès aux techniques d’implantation de pacemaker ».