Le contexte international est marqué par une forte sensibilité à une bonne redistribution de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles. On remarque, en effet, dans tous les pays riches en ressources minières, pétrolières ou gazières, une société civile de plus en plus organisée et sensible à la justice sociale et à l’équité.
Le contexte sénégalais est particulièrement marqué ces dernières années par d’importantes découvertes d’hydrocarbures : avec du pétrole estimé à 2 030 millions de barils (Dôme Flore inclus) et des ressources gazières estimées à 910 milliards de m3 ; ce qui place le Sénégal au 33 rang mondial des pays producteurs de gaz naturel. Rien que le projet GTA, aux larges des côtes saint-louisiennes, est estimé à 566 milliards de m3 de gaz naturel.
Cependant, des inquiétudes légitimes sont soulevées quant à la capacité du secteur des hydrocarbures à créer des opportunités tant pour les populations locales que pour les PME et PMI. Ce secteur constitue, en effet, une « économie d’enclave » comportant peu d’effets d’entraînement sur le tissu productif local, contrairement à d’autres types d’industries. Il y a une diversité d’outils pour conjurer la « malédiction des ressources naturelles », parmi lesquels le Local Content.
L’Afrique est particulièrement intéressée par le local content. La part du continent dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale très faible, une situation qui s’explique difficilement vu l’importance des matières premières existantes en Afrique. On peut s’appuyer sur de multiples leviers pour mettre en œuvre une politique de Local content : l’acquisition des compétences locales, le développement des compétences locales, la promotion de l’entrepreneuriat local, le développement de l’approvisionnement local, le transfert technologique. Suivant les bonnes pratiques internationales en matière de gouvernance des ressources naturelles, le Sénégal s’est ainsi doté d’une loi spécifique sur le contenu local pour mieux tirer profit de l’exploitation des ressources.
Au-delà du contenu local, la question environnementale suscite également des inquiétudes chez les populations. Le 27 janvier 2016, la société Kosmos Energy a annoncé la découverte « significative » de gaz aux larges des côtes de Saint-Louis. L’une des plus grandes multinationales dans le domaine de l’exploration et de la production de gaz et de pétrole, informait ainsi que c’est dans son « puits d’exploration Guembeul-1, situé dans la partie nord du permis de Saint-Louis Offshore Profond au Sénégal », que les 450 milliards de m3 de gaz ont été découverts. La société américaine parle même d’une nouvelle ressource gazière « de classe mondiale » et d’une « importance stratégique », qui va s’étendre au large des côtes Sénégalo-mauritaniennes. Entre temps, KosmosEnergy a cédé une bonne partie de ses activités à British Petrolum (BP).
Dans un CRD spécial d’information présidé par le Gouverneur de la région de Saint-Louis, il a été retenu que la phase d’exploitation du gaz offshore se déroulera entre 2021 et 2050, et les ressources gazières produites devront être partagées équitablement entre le Sénégal et la Mauritanie à travers les deux zones que sont Ahmeyim et Gueumbeul.
Cependant, la question environnementale reste entière et suscite une grande inquiétude chez les populations saint-louisiennes en général et plus particulièrement les pêcheurs de Guet-Ndar qui peuplent majoritairement la Langue de Barbarie. L’inquiétude est d’autant plus grande que le 6 décembre 2018, la Commission Néerlandaise pour l’Evaluation Environnementale, sur saisine de la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés (le 28 septembre 2018), a relevé des manquements sur l’Etude d’Impact Environnemental et Social (EIES) de BP. Selon elle, les informations environnementales présentées dans le rapport et nécessaires à la caractérisation des impacts sont incomplètes et/ou elles n’ont pas été suffisamment exploitées. Ceci conduit à une analyse insuffisante du milieu marin et côtier et des aspects socioéconomiques de la sous-région ainsi que de sa vulnérabilité face aux impacts liés au projet. Ces lacunes dans l’information, l’analyse et la justification des choix, rendent difficile une appréciation de la magnitude d’impacts, et de la pertinence des mesures de mitigations proposées.
Sur cette base, la CNEE a formulé des recommandations fortes allant dans le sens d’exiger des promoteurs d’actualiser l’EIES et/ou de fournir des documents séparés avant de prendre une décision sur l’autorisation de ce projet. Il semblerait, entre temps, que l’entreprise exploitante ait apporté des rectificatifs à son l’EIES afin d’obtenir l’approbation de la décision finale d’investissement. Mais les populations impactées continuent de nourrir de vives inquiétudes quant aux éventuels impacts environnementaux et la société civile promeut une veille citoyenne pour la transparence environnementale et le développement durable.Cela d’autant plus que l’environnement semble être le parent pauvre du débat public sur l’exploitation des hydrocarbures.
Objectifs
L’initiative de mettre en place un cadre de concertation permanent pour une gestion apaisée, rentable et écologiquement durable de l’exploitation des ressources gazières à Saint-Louis est venue de l’antenne régionale de la coalition Publiez Ce Que Vous Payez qui regroupe quasiment l’ensemble des organisations de la société civile locale. L’objectif est de créer une synergie des acteurs (administration territoriale, société civile, entreprise exploitante, secteur privé local, communautés impactées, collectivités territoriales) autour de l’exploitation du gaz à Saint-Louis, afin que cela puisse avoir un impact positif sur l’économie et les populations, dans un climat apaisé.