Au début du mois de juin 2021, un collègue a été interpelé suite à une prescription d’un médicament qui, du reste est un générique figurant sur la liste des médicaments dits essentiels et donc disponible dans les dépôts de pharmacie de l’Initiative de Bamako. Aucune note n’a été rédigée pour dire que cette drogue (traduction anglaise du mot médicament) ne doit être remise au patient qu’en guise de renouvellement d’une ordonnance qu’un médecin avait prescrite au préalable. Le droit a été dit et nous infirmiers, n’avons jamais commenté cette décision mais la saluons plutôt car remet sur la table la question de légalité des actes que nous posons au quotidien pour alléger la souffrance des populations.
Pour nous conformer aux textes en vigueur dans notre pays, nous avons décidé, en toute responsabilité, d’observer une pause de non prescription d’ordonnance pour alerter l’opinion. Il faut noter que dans les fiches de Postes des Infirmiers qui du reste sont conçus par les services compétents du Ministère de la Santé et de l’Action sociale, la prescription d’ordonnance y figure bel et bien.
Trois jours durant, les infirmiers de Saint-Louis se sont conformés à la loi au grand dam des populations. Dans la même période le Sénégal était sous la menace de la réémergence de la poliomyélite avec des cas enregistrés dans le centre du pays. Devant cette menace il fallait organiser unecampagne de vaccination contre la poliomyélite et cette campagne ne peut pas se tenir sans les infirmiers.
Un dilemme se posa alors : fallait-il se conformer aux textes juridiques et faire capoter la campagne de vaccination ou défier la justice de notre pays.
Paradoxalement, malgré la menace qui pesait sur nous, la mauvaise option fut prise : défier la justice en prenant la seringue pour administrer le vaccin et être sous le coup d’une sanction rien que pour satisfaire la TUTELLE.
Malgré cette loyauté envers la tutelle, depuis lors, rien n’est fait, même pas un texto pour dire, ne serait-ce, « nous sommes au courant des démêlés que vous avez avec la justice,nous allons vous assister en adaptant les textes aux réalités de votre quotidien ».
Je tiens à rappeler que le combat que nous menons n’est dirigé contre personne ni contre aucune corporation ou organisation, mais c’est plutôt un combat de principe pour la survie d’une corporation qui a tout donné pour que le secteur de la santé sénégalais soit cité en exemple.
Il nous faut alors une prise de conscience collective car aucun infirmier quel que soit son lieu d’exercice (du Poste de santé à l’hôpital) n’est à l’abri de ce qui s’est passé avec notre collègue du Poste de santé de Pikine vu les actes qu’il pose au quotidien. Nous avons alors jugé nécessaire d’enfiler notre manteau de lanceur d’alerte pour que plus jamais les prestataires, en général et les infirmiers en particulier, ne soient dans des situations de « HORS LA LOI »
Les infirmiers sont au début et à la fin du processus pour l’atteinte du 3éme Objectif de Développement Durable«Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge » mais ils posent toujours des actes qui les exposent à être dans l’illégalité car la majeure partie des actes qu’ils posent sont des actes délégués et ne sont encadrés par aucun texte.
Pour preuve, un infirmier officiant à Yaré Lao, à NdiayènePeulh, à Taqui ou à Namarel qui fait des consultations (peu importe le qualificatif qu’on attribuera à cette consultation), il terminera cette consultation par une prescription de médicament (s) (je n’ose pas parler d’ordonnance non plus). De la même façon, ce même infirmier s’occupe aussi de la vaccination des enfants et j’en passe.
Je vais m’attarder sur deux points ou deux actes qui constituent le pain quotidien de l’infirmier, surtout en milieu rural : la vaccination et la circoncision– Pour la circoncision, au Sénégal, je peux affirmer sans risque de me tromper que sur dix garçons au moins les huit étécirconcis par un infirmier (avec un rapport cout/ qualité sans commune mesure) et les deux garçons restants sont admis dans « la case des hommes » par les autres corporations parmi lesquels, les aides-infirmiers, et autres personnels communautaires qui le font aussi avec dextérité.- Quant à la mise en œuvre de la vaccination (Programme Elargi de Vaccination et vaccin anti Covid-19) elle est presque à cent pour cent assurée par ce vaillant infirmier qui brave la pluie et le chaud soleil à bord de charrette, à pied ou à bord d’une pirogue de fortune, enjambant lesrivières sous les collines de Dindé Fello ou le marigot de Doué. Au meilleur des cas il se déplace pour mener ces activités sur la selle d’une motocyclette avec des risques élevés de chutes, occasionnant parfois des fractures. Au passage, je souhaite prompt rétablissement à mes collèguesde Yaré Lao et Touldé Gallé dans les districts de Pété et Podor.
Si le Sénégal est cité en exemple dans le cadre de la vaccination, c’est grâce à la bravoure de ces vaillants infirmiers qui n’ont jamais été rappelés à l’ordre pour refus d’aller servir là où le besoin se fait sentir.
Nous infirmiers de la région de Saint-Louis ne demandons à la tutelle qu’une meilleure prise en compte de nos préoccupations en nous mettant dans des conditions LEGALES d’exercice de notre profession au grand bénéfice des populations. Car nous ne pouvons plus et à tout temps être au-devant de la scène pour EXERCICE ILLEGAL ET USURPATION d’une quelconque fonction.
Je vais terminer notre cri de cœur par une anecdote :
Quand vous avez un véhicule et pour le faire déplacer vous êtes tenu de demander à votre fils de vous conduire; mais à chaque fois que vous franchissez le poste de contrôle, l’agent l’interpelle pour défaut de permis. Il vaut mieux lui chercher un permis de conduire que d’aller toujours demander une intervention.